Introduction
La métaphore maritime n’est pas anodine. Comme une marée qui monte soudainement et recouvre tout sur son passage, la marée éditoriale désigne un phénomène médiatique intense, souvent difficile à anticiper, et encore plus à maîtriser. Pour les professionnels des relations presse, elle représente un double enjeu : savoir quand et comment s’y insérer, mais aussi éviter les écueils de la surcommunication. Ce billet propose un décryptage détaillé du concept et des stratégies à adopter.
I. Qu’est-ce qu’une marée éditoriale ?
Définition
Une marée éditoriale est un afflux massif, soudain et souvent temporaire de contenus médiatiques sur un même sujet. Elle peut concerner l’actualité politique, un fait divers, une question sociétale, culturelle ou technologique.
Caractéristiques
- Temporalité forte : l’emballement est rapide et intense, puis retombe en quelques jours.
- Saturation : une multitude de médias traitent simultanément le même sujet.
- Convergence des angles : les analyses, tribunes, reportages finissent par se ressembler.
- Tension concurrentielle : chaque média veut être le plus rapide ou le plus visible.
Origine du terme
L’expression est employée par analogie avec les flux naturels : la marée monte, inonde, recule. Elle illustre la difficulté pour le public de distinguer le signal de bruit dans ce contexte.
II. Quelques exemples récents de marées éditoriales
Mort de la Reine Elizabeth II (septembre 2022) : tsunami de contenus historiques, diplomatiques, familiaux. Les médias internationaux ont suspendu leur ligne éditoriale habituelle.
Sources : BBC, The Guardian, Le Figaro, El País.
IA générative et ChatGPT (fin 2022 – 2023) : déferlement d’articles sur l’IA, son impact sur l’éducation, l’emploi, la création. Marée prolongée, évolutive.
Sources : The Verge, Wired, Les Echos, Courrier International.
#MeToo (2017-2019) : marée éditoriale mondiale d’une ampleur inédite, marquant un tournant dans les rapports médias / mouvements sociaux.
III. Analyse critique d’une marée éditoriale
Un miroir des tensions sociétales
La marée éditoriale agit comme un amplificateur : elle reflète l’état émotionnel d’une société à un instant T. Les sujets qui déclenchent une marée sont rarement neutres : ils impliquent souvent une charge symbolique forte (justice, peur, deuil, injustice sociale, nouveauté technologique). En cela, la marée est un révélateur d’enjeux collectifs latents.
Une dynamique de meute ?
Le risque majeur est celui du conformisme. Dans une logique d’audience et de rapidité, de nombreuses rédactions s’alignent sur un angle dominant, répètent les mêmes faits ou citations, et laissent peu de place à l’investigation autonome. Cela renforce la pensée unique médiatique et marginalise les voix discordantes ou nuancées. Cette homogénéité de traitement nuit à la richesse du débat.
Quelle information de fond subsiste ?
Une marée éditoriale déclenche souvent une avalanche de contenus en temps réel, mais peu d’articles de fond. L’urgence prime sur la profondeur, et la volonté de capter l’attention prime sur la réflexion. Par ailleurs, les sources secondaires sont souvent reprises sans vérification. On observe aussi un phénomène de « court-termisation » : un sujet majeur est médiatiquement épuisé en quelques jours, alors même que ses conséquences s’étendent sur le long terme.
Impacts sur les lecteurs
Les effets sur le public ne sont pas anodins : épuisement informationnel, perte de confiance dans les médias, sensation de déjà-vu ou de matraquage. Une marée peut même engendrer une saturation cognitive, rendant difficile la hiérarchisation des informations importantes. C’est un facteur de confusion plutôt que de clarté.
Biais de visibilité et oubli programmé
Enfin, ce que la marée met en lumière relègue parfois dans l’ombre des sujets tout aussi cruciaux mais moins spectaculaires. Une marée chasse l’autre, et avec elle, l’attention du public. La mémoire médiatique devient fragmentée, rythmée par l’urgence plus que par la continuité.
Tous ces facteurs doivent être pris en compte si une opération de communication, surtout si elle utilise les relations presse, envisage de surfer sur une marée éditoriale. C’est en tout cas une réflexion classique que l’on retrouve parmi les top 10 agences relations presse, où de telles opérations de communications sont régulièrement montées.
IV. Relations presse & marée éditoriale : opportunité ou piège ?
Comment s’y insérer intelligemment ?
- Avoir un angle distinctif : proposer une lecture nouvelle, une donnée vérifiée ou une expertise rare.
- Se montrer réactif mais sobre : envoyer un brief clair aux journalistes en expliquant pourquoi votre porte-parole est utile à ce moment-là.
- Utiliser les bons formats : un format court, une citation prête à l’emploi ou une tribune bien calibrée.
Ce qu’il faut à tout prix éviter dans une marée éditoriale
- La récupération malvenue : vouloir s’immiscer dans une marée sans lien réel avec votre activité ou votre mission.
- L’opportunisme éhonté : sur des sujets sensibles (violences, attentats, catastrophes), toute prise de parole commerciale est à proscrire.
- Harceler les journalistes : en période de marée, leur charge de travail explose. Un contact ciblé vaut mieux qu’une relance à la chaîne.
Conclusion
La marée éditoriale est un révélateur des tensions et des centres d’intérêt d’une société. Pour les communicants, elle n’est ni un tsunami à fuir ni une vague à surfer à tout prix. C’est un phénomène à observer avec finesse, à comprendre dans sa dynamique, et à aborder avec une posture éthique, adaptée, et utile au débat public. Car dans une marée, ce qui compte vraiment, c’est de savoir nager à contre-courant… quand c’est nécessaire.



